Https://infospectaclesloisirs.com
Carpates, Juin 2025, Liliana Lazar
Découverte du roman Carpates, de Liliana Lazar
(Synopsis) Résumé de l’autrice :Un voyage dans les Carpates ne s’improvise pas. Piégés par la neige au cœur de la montagne roumaine, Jeanne et Boris, un couple de Français, trouvent refuge dans un étrange hameau, la Colonie dirigée par des femmes. Alors qu’ils se croient sauvés, débute une plongée vertigineuse dans le monde des vieux-croyants, une communauté aux lois archaïques, qui protège un impensable secret.
Liliana Lazar
Préambule
Liliana Lazar est une écrivaine née dans la région de Moldavie en Roumanie, en 1972. Elle rédige une littérature empreinte de son pays d’origine.
Son roman : Dans les Carpates, Liliana Lazar place bien le décor de celui-ci, dans une nature sauvage encore et mystérieuse.
Un célèbre édifice, le château de Bran, au sommet d’une falaise, a été lié pendant longtemps à la légende de Dracula.
Au niveau de la faune, la région n’est pas en reste, car plus du tiers de tous les grands carnivores sauvages en Europe se trouvent dans ce secteur.
La région des Carpates, accueille les plus importantes populations d’Europe d’ours bruns, de loups et de lynx.
En résumé, nous avons un cocktail idéal pour la trame d’un roman, ou Liliana Lazar nous fait découvrir ces « Vieux-croyants » chassés par Pierre le Grand de Russie
et dont une partie a fini par se réfugier et s’installer en Roumanie.
Le roman est construit sous la forme d’un triptyque dont la tension ne fait que croitre au fil des pages et des chapitres.
La mise en situation par un jeune couple qui est tombé en panne de voiture sur une route vétuste et déserte des Carpathes, en Roumanie, au cours de l’hiver 1992.
C’est Jeanne qui a emmené son compagnon dans cette région pour peaufiner sa thèse sur les rituels mortels des orthodoxes qui ont fui la Russie. Elle doit aussi retrouver la trace d’une femme ressuscitée dont le témoignage serait précieux pour le rayonnement de son travail.
Boris, son compagnon, qui est boxeur ne partage absolument pas la passion de Jeanne pour l’anthropologie et les croyances mythiques.
La panne de voiture au milieu de nulle part et en raison de l’isolement et des conditions météo est effrayante. Mais Ils acceptent de suivre un enfant surgit de la
forêt qui les guide vers une communauté totalement dissimulée dans la montagne.
Mon avis : Un roman entre aventure, horreur… et réflexion ?
Aventure, horreur, réflexion ou Les trois à la fois… Le roman de Liliana Lazar joue avec ces genres, mais il va bien plus loin. Il s’empare des mythes, des croyances anciennes, et les fait résonner autour de questions brûlantes : le genre, le pouvoir, les utopies… et leurs dérives.
Tout commence avec un couple en détresse, accueilli dans une étrange colonie dirigée par une figure charismatique : Mama Ottilia, vénérée par ses semblables.
En 1910, cette communauté avait été fondée par des religieux russes exilés et réfugiés en Roumanie.
Puis, pendant la guerre contre la Russie, les femmes ont pris le pouvoir.
Une prise de contrôle marquée par la violence subie, notamment les viols systématiques perpétrés comme tactique de guerre prônée par les soldats russes.
Depuis, elles ont construit un monde à part : un matriarcat radical, où le mépris, voire la haine des hommes, la misandrie n’est pas un caprice, mais une cicatrice vivante du passé… Avec la même violence de cette mise en miroir du pouvoir inversé
Une voix d’observatrice : Jeanne
C’est Jeanne, une chercheuse enceinte, qui nous guide à travers cette société. Son regard est à la fois curieux, sensible, et lucide.
Elle prend des notes, observe, interroge et c’est ce qui donne à l’histoire une force particulière :
On ne tombe pas dans la dystopie abstraite, mais dans une micro-société terrifiante de réalisme.
Chez elles, dans cet étrange lieu, les femmes urinent debout. Les hommes, appelés « boucs », doivent pisser assis.
Ils sont assignés aux tâches subalternes, invisibilisés et souvent humiliés et voire pire…
Les bébés garçons sont élevés comme des filles, pour « éduquer et refreiner » leur agressivité masculine.
Quand Boris, le compagnon de Jeanne, est blessé en tentant de fuir, il est exilé dans une cabane… et se voit réduire à un rôle de géniteur auprès des femmes
de la communauté.
Le féminisme mis à l’épreuve ?
Ce roman ne se contente pas de décrire un monde inversé. Il interroge.
À travers les réflexions de Jeanne, Liliana Lazar pose des questions essentielles sur le genre, la domination, la mise en miroir du pouvoir (inversé, mais toujours violent)
Jeanne dit :
Je suis femme. Je n’ai pas choisi. Cela s’est imposé à moi comme une évidence.
Et parce que je suis femme, je n’ai pas hérité de la force physique, ni de cette assurance que les hommes portent naturellement.
Cette assurance qui fait qu’un homme moins compétent que moi a obtenu mon poste à l’université.
Elle ajoute, avec une lucidité poignante :
Il n’y a pas de domination sans une forme de consentement de la part des dominés.
Ces mots résonnent. Ils ne sont pas là pour choquer, mais pour faire réfléchir.
Une atmosphère envoûtante
Autour de cette communauté, la nature est sauvage, dense, menaçante.
Des forêts opaques, des carnassiers, des rumeurs de sorcellerie…
L’ambiance est lourde, angoissante, parfois même terrifiante.
Et pourtant, on ne peut pas lâcher le livre.
Liliana Lazar maîtrise parfaitement le rythme du récit. Elle mêle suspense, mysticisme et réflexion sans jamais alourdir l’intrigue.
Même quand le sujet dérange et il dérange parfois, on sent que tout est porté par une ligne narrative forte et de faits historiques, certes romancés mais non
par un discours imposé.
Une plume puissante
Ce que j’ai aimé, c’est la beauté de l’écriture.
Liliana Lazar est une conteuse hors pair, avec une plume à la fois fluide et précise. J’ai lu Carpates d’une traite, malgré la tension, l’angoisse, et malgré des scènes
parfois glaçantes.
Oui, ce roman est palpitant. Oui, il nous plonge dès les premières pages dans une atmosphère étouffante, presque oppressante.
Mais c’est justement cela qui le rend inoubliable.
En conclusion : à lire… avec prudence
Je vous le recommande, à condition que vos prochaines vacances ne vous emmènent pas en pleine forêt des Carpates… Car après ce livre, vous risquez de regarder chaque ombre sous les arbres… un peu autrement.
Réflexion après lecture : Et vous, seriez-vous capable de vivre dans une société où les rôles sont inversés… mais où la domination violente reste présente ?
Rédigé par Christine B. le 25/07/2025
Pour infos spectacles et loisirs
Autres articles qui pourraient vous intéresser
Liliana Lazar
Carpathes
EAN : 9782266348041
336 pages
Editions Pocket (19/06/2025)