1/ D.H. / En 1er, Carine, merci de donner un peu de votre temps pour nos lecteurs et pour ceux qui ne vous connaissent pas encore.
Pouvez-vous nous présenter un petit résumé de votre parcours ? 

                C.M./ Je vous remercie pour votre invitation. Je suis auteur de romans, de pièces de théâtre et d’essais. J’ai d’abord écrit pour d’autres, en tant qu’écrivain fantôme il y a vingt ans. J’ai aussi été documentaliste pour Erik Orsenna, de l’Académie française, puis conseiller politique, en charge notamment de la rédaction de discours. Je publie des livres sous mon nom depuis 2010. 

2/ D.H. / Si je me souviens bien, l’un de vos romans, Des silences et des hommes, se déroulait déjà dans les coulisses de la diplomatie française et évoquait le sort des chrétiens d’Orient. Qu’est-ce qui vous a poussée à la rédaction de ce bel ouvrage : Les chrétiens d’Orient et la France, mille ans d’une passion tourmentée ?
Un contexte géopolitique ou une raison plus intime ? 

                C.M./ Le sujet était en moi depuis toujours. J’ai eu des attaches familiales au Levant, et j’entendais, lorsque j’étais enfant, des récits avec pour décor ces paysages aux noms mystérieux. L’actualité, notamment le blocus puis l’épuration ethnique de l’Artsakh (Haut-Karabakh) par l’Azerbaïdjan en 2023 et l’indifférence de la communauté internationale, m’ont convaincue qu’il fallait aller plus loin, au-delà de ce que je racontais dans mon roman en 2017, fixer les choses sur le temps long.

3/ D.H. / Quel a été votre fil conducteur pour décrire ici cette trajectoire des peuples de l’Orient chrétien ? 
Est-elle votre vision/perception ou plutôt un parcours plus historique ? 

                 CM./ C’est un livre d’histoire et de géopolitique, où se mêlent aussi les questions théologiques, l’art et la littérature. Les faits sont documentés et sourcés. Je décris étape par étape le rôle de la diplomatie française, de l’époque de sa grandeur jusqu’au naufrage qui fut le sien depuis le début de la guerre en Syrie et qui se poursuit hélas aujourd’hui. 

4/ D.H. /Au travers de la lecture de votre livre, on peut y ressentir beaucoup de passion, d’attachement bien au-delà d’une simple empathie ? Pouvez-vous nous en donner les raisons, si je ne me trompe pas dans mon ressenti ? 

                 C.M./ Pour comprendre le rôle de la France, il convenait d’abord de dépeindre la formation des Églises orientales, de revenir à leur essence même, de décrire leurs particularités, d’embrasser leur destin, qui est lié au nôtre depuis mille ans.
J’ai souhaité aussi montrer que ces frères lointains nous sont plus proches qu’il n’y paraît, que mieux les connaître nous permet aussi de mieux nous connaître nous-mêmes. 

5/ D.H. / Dans la rédaction de votre ouvrage, cela donne aussi la sensation, pour moi une certitude, d’une quête de faits et une documentation très fournie, d’une enquête historique en somme. Ai-je raison de cette perception ?… Et si oui, sur quelle documentation vous êtes-vous appuyée dans cette rédaction ? 

                  C.M./   J’ai travaillé sur des documents bruts, des ouvrages rassemblant des témoignages, les archives diplomatiques, les déclarations et les discours politiques, les archives de presse, les textes des traités, les manuscrits anciens, les œuvres d’art.
J’ai fait appel à mes souvenirs de voyage aussi. Et j’ai consulté des ouvrages de toutes les époques, en m’attachant particulièrement aux textes écrits au moment du déroulement des évènements quand c’était possible, afin de ne laisser subsister aucun filtre. 

6/ D.H. /Dans votre enquête, y a-t-il des découvertes peu connues que vous avez pu mettre en lumière ainsi que des événements particuliers ?
Si oui, sans doute, quels sont ceux qui vous ont le plus marqué et qui ont donné un sens particulier à votre récit ? 

                    C.M./   Les chrétiens d’Orient sont très mal connus en Occident. Mon livre s’adresse au grand public. Je raconte les faits en insistant sur leur aspect humain et souvent romanesque. Je mets en lumière l’art et la littérature. Les plus grands artistes se sont penchés sur le sujet.
C’est une histoire pleine de lumière, de piété, de ferveur, de grandeur, de fièvre, de sang et de larmes aussi, qui se décline en épisodes tous plus passionnants les uns que les autres.

Aussi, il est difficile d’extraire l’un ou l’autre pour le décrire brièvement ici, car chaque chapitre mériterait un livre entier à lui tout seul et permet, sous différents aspects, de comprendre l’actualité au Moyen-Orient, dont l’équilibre a des répercussions directes sur notre présent et notre avenir. 

7/ D.H. /Dans ce trop bref entretien, pouvez-vous nous donner et surtout pour nos lecteurs d’autres éléments que nous n’avons pas abordés encore, qui vous tiennent particulièrement à cœur et sur lesquels les lecteurs de votre ouvrage pourraient être surpris par des évènements particuliers, de toutes ces périodes difficiles de l’origine à nos jours ?

Quel est l’enseignement personnel que vous en tirez et que vous vous espérez laisser transparaître à tous les lecteurs de ce magnifique ouvrage ? L’espoir d’une lumière nouvelle ou des temps, pour longtemps encore incertains, surles chrétiens d’Orient et la France ? 

                  CM./ Sur leurs terres d’origine, leur présence bimillénaire est très sérieusement menacée. Les chrétiens sont de plus en plus nombreux à prendre le chemin de l’exil.
C’est évidemment un déchirement infini pour eux, mais c’est aussi une catastrophe pour tous car leur départ menace l’équilibre de la région.

L’Orient se voit ainsi privé de pluralité, d’ouverture, de développement social et culturel, de coexistence démocratique.
En effet, les chrétiens sont à la fois des médiateurs entre les communautés sur place au-delà des clivages religieux et ils constituent un lien d’une importance capitale avec l’Occident, alors que la diplomatie ne joue plus son rôle et peine tant à nouer le dialogue. 

8/ D.H. /Merci beaucoup Carine pour ce trop court entretien, pour notre magazine et de votre gentillesse pour avoir pris de votre temps pour y répondre. Pour ma part, ce fut un véritable plaisir de découvrir votre ouvrage :
Les chrétiens d’Orient et la France, mille ans d’une passion tourmentée, préfacé par Jean-François Cosimo, une véritable fresque historique, que je ne peux que recommander à tous. 

C.M./       Merci, Dominique.