Https://infospectaclesloisirs.com

Magazine Infos Spectacles & Loisirs

STEPHANE CASTELLUCCIO

Livre "Les Bals de la Reine"

  • 1- J.D. Stéphane Castelluccio, bonjour et bienvenue sur infospectaclesloisirs, tout d’abord pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?

S.C. Directeur de recherches au CNRS, je suis spécialisé dans l’histoire des résidences royales, des décors intérieurs, du mobilier, des collections d’objets d’art, du commerce du luxe en France et l’histoire sociale aux XVIIe et XVIIIe siècles.

 

J’ai publié plus de 120 articles et seize livres, dont Le Commerce des meubles et des objets d’art par les marchands merciers parisiens pendant le règne de Louis XIV, L’Éclairage, le chauffage et l’eau aux XVIIe et XVIIIe siècles, La Noblesse et ses domestiques au XVIIIe siècle. Les Bals de la Reine, paru en 2024, et le dernier né.

 

Pour en savoir plus, ma page personnelle professionnelle est consultable sur le site du centre :

 

 http://www.centrechastel.paris-sorbonne.fr/membres/stephane-castelluccio

 

  • 2- J.D. Vous venez de publier aux éditions Gourcuff Gradenigo «Les Bals de la Reine » qu’est qui vous a intéressé dans ces bals ?

S.C. Le grand intérêt de ces bals résidents dans leur originalité, dans leur fréquence devenue régulière et dans leur rôle de marqueur social pour la noblesse.

 

  • 3- J.D. Pourquoi ce titre ?

S.C. Ces bals étaient donnés à l’occasion du carnaval, soit entre les Rois et le mardi gras. Si en théorie le roi recevait à la cour, en réalité, le souverain laissait à la reine ou, à défaut, à la dauphine, soit la future reine, la réception de ces bals.

 

  • 4- J.D. Depuis quand remonte cette tradition de bals ?

S.C. Le carnaval apparaissait comme l’héritier des fêtes romaines des saturnales, ascendance expliquant déguisements et masques qui ajoutaient aux plaisirs de la danse ceux de la fantaisie, du travestissement et de l’anonymat.

 

Toutefois, les XVIIe et XVIIIe siècles n’auraient pas admis le total renversement de la hiérarchie sociale qui caractérisait les saturnales romaines. Les bals costumés et surtout masqués offraient certes une liberté nouvelle et temporaire, néanmoins encadrée par des règles de civilité qui leur étaient propres, particulièrement à la cour.

 

  • 5-J.D. Pourquoi s’être concentré entre 1661 et 1787 ?

S.C. Les Bals de la Reine étaient les héritiers directs des bals de la cour à Versailles. Il était indispensable de remonter jusqu’à la Renaissance même pour montrer que les bals offerts par Marie-Antoinette se situaient dans une très ancienne tradition curiale.

 

  • 6- J.D. Y avait-il plusieurs types de bals ?

S.C. Il existait trois principales formes de bals : les bals parés, officiels et formels ; les bals masqués, caractérisés par leur liberté ; et enfin les bals de cour, costumés ou non.

 

  • 7- J.D. Et étaient-ils organisés différemment ?

S.C. Les bals parés étaient donnés lors de réceptions officielles, comme les mariages des dauphins. Il fallait avoir été présentés aux souverains pour pouvoir y danser ; l’on y dansait des menuets et le roi indiquait aux danseurs qu’elles cavalières inviter.

Les masques du bal masqués apportait l’anonymat, aussi, par principe, tout danseur et danseuse masquée, sans distinction de rang social, pouvait participer au bal et danser avec qui lui plaisait. Lors des bals de cour, seules les personnes présentées se voyaient autorisées à danser, les autres regardant le spectacle quasi chorégraphique qu’étaient les danses anciennes.

 

  • 8- J.D. Comment étaient-ils perçu par le pouvoir ? Cela faisait-il parti de leurs obligations ?

S.C. La danse était une activité éminemment aristocratique. Lors d’un bal, chacun montrait sa maîtrise des codes sociaux et de la danse, preuve d’une appartenance à la noblesse. C’était une manière de se distinguer.

 

  • 9- J.D. Qui était invité ?

S.C. Les personnes invitées se divisaient en deux groupes : celles présentées aux souverains, qui pouvaient danser, et celles non présentées, qui regardait la danse. Un bal était un spectacle durant lequel la cour se donnait en spectacle à elle-même et à la société.

 

  • 10- J.D. A cette occasion y a-t-il eu des lancements de mode ?

S.C. Non. Danseuses et danseurs suivaient la mode du moment sans en lancer une nouvelle à ces occasions.

 

  • 11- J.D. Politiquement ont-ils joué un rôle ?

S.C. Aucun.

 

  • 12- J.D. Comment étaient-ils vus en France ? Et à l’étranger ?

S.C. Ces bals témoignaient du raffinement et du faste de la cour de France à la fin du XVIIIsiècle.

 

  • 13- J.D. Ont-ils perduré de nos jours et sous quelle forme ?

S.C. La crise économique de la fin du règne de Louis XVI les suspendit à partir de 1788, puis la Révolution et régimes impériaux et royaux qui se succédèrent au XIXe siècle ne reprirent pas cette tradition des bals du carnaval pour différentes raisons :

 

Napoléon Ier acceptait peu de fantaisie à sa cour, laquelle n’avait pas l’ampleur de celle de l’Ancien Régine. Louis XVIII puis Charles X étaient trop âgés pour organiser de tels bals ; leur pouvoir n’était pas assuré et peut-être ne souhaitaient-ils pas non plus faire renaître ces bals dont l’ostentation et l’aspect spectaculaire rappelaient les dépenses estimées inconsidérées de l’Ancien Régime.

 

Enfin, si Napoléon III et Eugénie rétablirent le principe d’un bal hebdomadaire pendant le carnaval, ils n’y dansaient pas pour en faire les honneurs auprès des invités issus de différents milieux sociaux. L’esprit et la composition de ces bals ne rappelaient en rien ceux des bals de la reine Marie-Antoinette.

 

  • 14- J.D. En vous remerciant, si vous aviez la possibilité de remonter le temps, à quel bal auriez-vous aimé participer ?

S.C. Deux paraissent les plus fascinants : celui, masqué, donné à l’occasion du premier mariage du dauphin en février 1745, dont un dessin, qui fait la couverture du livre, montre la fantaisie et la créativité des costume.

Et le dernier donné en 1787, pour les extraordinaires décors éphémères créés sur la terrasse du parterre du Midi.

Propos recueillis par Jean Davis, le 27 mars 2025 pour infos spectacles loisirs

.

ITW : STEPHANE CASTELLUCCIO